Lot 42
Antoine-Jean GROS dit le baron GROS (Paris, 1771 - Meudon, 1835) Charlemagne et Hildegarde, esquisse...

Antoine-Jean GROS dit le baron GROS (Paris, 1771 - Meudon,...

Antoine-Jean GROS dit le baron GROS (Paris, 1771 - Meudon, 1835)
Charlemagne et Hildegarde, esquisse pour la coupole du Panthéon
Toile d'origine.
Haut. : 128,5 - Larg. : 128 cm

Provenance : Vente après décès de l'artiste, Paris , 23 - 27 novembre 1835 (Me Bonnefons), n°18 (105 fr) ; Probablement acquis par Etienne François Haro, Paris (sa marque se trouve au revers de la toile)

Bibliographie : Jean-Baptiste Delestre, Gros, sa vie ses ouvrages, seconde éd, Jules Renouard Libraire, 1867, p.251 (mentionne que le tableau a été plié en quatre) ;
J.Tripier- Lefranc, Histoire de la vie et de la mort du baron Gros, le grand peintre, 1880, p.675 (Charlemagne et Hildegarde ; grande étude).

En 1806, un décret de Napoléon rétablissait le culte catholique au Panthéon, qui retrouvait le nom d'église Sainte-Geneviève. Le ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Bachasson de Montalivet, commande alors à Antoine-Jean Gros le décor de la coupole en 1811 (en fait, il s'agit de trois coupoles emboîtées les unes dans les autres, la partie peinte se situant sur celle intermédiaire). Le premier projet, conservé au musée du Petit Palais à Paris, décrit l'Apothéose de sainte Geneviève recevant les hommages de Clovis, Charlemagne, Saint Louis et Napoléon Ier, chacun avec leur épouse. Ils évoquent les dynasties ayant régné sur la France, soit les Mérovingiens, les Carolingiens, les Capétiens et les Bonaparte. Napoléon était accompagné de l'impératrice Marie-Louise et de son fils le roi de Rome, mais à sa chute, le couple est remplacé par Louis XVIII avec sa nièce, la duchesse d'Angoulême. L'achèvement de ce dernier groupe est compliqué et retardé en raison des changements successifs de régime. La coupole est finalement dévoilée en novembre 1824 devant Charles X qui monte sur l'échafaudage. A cette occasion, il gratifie Gros du titre de baron et de 50 000 francs.

Dans la vente de son atelier en 1835, notre tableau est vendu en lot avec une autre esquisse pour le groupe de Clovis et Clotilde ; celle-ci a été acquise par le musée du Petit Palais en 1986. D'autres études sont également répertoriées pour le visage de Charlemagne (vente Christie's Monaco, 2 décembre 1989). Tripier-Lefranc (op. cit.) note l'existence d'autres études pour le personnage, incluant trois en pied et deux pour la tête, de tailles différentes, dont la nôtre étant la plus grande. La figure de Charlemagne a été modifiée sur la composition finale par rapport à notre esquisse, et tournée dans l'autre sens. Délaissant le frotti davidien, Antoine-Jean Gros adopte une touche large avec, par endroits, des effets d'empâtement comme les touches de lumière sur le globe et l'épée. Le geste ample du monarque dérive des figures de Dieu à la chapelle Sixtine, lui conférant une grande monumentalité. La composition est forte, autour d'un X formé par les bras d'une part et la ligne qui va de la tête penchée d'Hildegarde à l'épée, tempéré par les ondulations du grand manteau rouge brodé d'or. Les couleurs sont franches, et vives, annonçant les accords stridents du romantisme.

Charlemagne est représenté à l'âge mûr avec sa célèbre barbe, ici brune, et non blanche comme c'est souvent le cas dans son iconographie. Gros s'inspire des regalia exposés au "Museum" au Louvre dont le sceptre de Charles V, représentant Charlemagne tenant le globe, qui est utilisé par Napoléon Ier lors du Sacre (voir Napoléon Ier sur le trône impérial d'Ingres, 1806, Paris, musée de l'Armée). Il en reprend la même forme de couronne, écartant celle des souverains du Saint-Empire conservée au Trésor impérial de Vienne. A sa ceinture est accrochée "Joyeuse", l'épée du sacre des rois de France (conservée au musée du Louvre), dont le peintre indique le décor de croisillons sur le pommeau. Il cherche aussi à se rapprocher d'une réalité archéologique grâce aux bijoux portés par les monarques. Les fibules en or et grenats retenant leurs manteaux rappellent les modèles mérovingiens proches des bijoux retrouvés dans les tombes de Childéric Ier (BNF).
Dans les années 1810, les représentations de Charlemagne sont rares (par exemple, la gravure de Jean Dambrun d'après Antoine Borel, représentant le couronnement de l'empereur du Saint-Empire, Tableaux des Français, 1810). Pour les années 1830, on retient les œuvres de Jean-Victor Schnetz (Charlemagne et Alcuin), musée du Louvre, Ary Scheffer et Paul Delaroche à la Galerie des batailles au château de Versailles, et Jules-Claude Ziegler (L'Histoire du Christianisme, Paris, église de la Madeleine).

Élève de Jacques-Louis David, Gros est aujourd'hui essentiellement connu comme portraitiste des figures de l'Empire et de la Restauration mais aussi pour ses représentations de batailles et de la geste napoléonienne. Il a parallèlement mené une carrière de peintre d'Histoire. Peindre une vaste coupole était cependant une gageure pour laquelle son voyage à Gênes puis à Milan en 1793 avait pu le préparer en lui proposant différents exemples des maîtres italiens. La difficulté consistait à réaliser une apothéose dans le style néoclassique, courant qui privilégie les compositions sur le modèle des frises antiques, et s'éloigner des modèles baroques avec des figures plafonnantes en raccourcis. Gros reprend en partie le schéma de Corrège à Saint-Jean l'Évangéliste de Parme avec les apôtres placées autour de la corniche. Ni David, ni Gérard n'ont eu à résoudre ce type de problème. Pour assurer un rendu et une tenue parfaite sur la paroi, il fait appel à deux chimistes, Louis Jacques Thénard et Jean-Pierre-Joseph d'Arcet, afin de l'aider à réaliser un enduit approprié à la couche picturale. Par la suite, sous Charles et Louis-Philippe, il réalise trois plafonds dans les premières salles du département des Antiquités Égyptiennes au palais du Louvre .

Expert: Cabinet TURQUIN, (Stéphane PINTA : 01 47 03 48 78)

Adjugé : 75 000 €