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Deux Fabre pour Montpellier

Mardi 28 Mai 2024

28/5/24 - Acquisitions - Montpellier, Musée Fabre-

La dernière brève acquisition concernant le Musée Fabre date du 29 février dernier. Bien sûr, depuis cette date, celui-ci s'est encore enrichi à plusieurs reprises, et nous en parlerons dans des articles à venir, en commençant par les achats les plus récents: dans une vente à Catelnau-le-Lez, le 25 mai dernier chez Farran Enchères, le musée a préempté pas moins de cinq œuvres dont deux, probablement les plus emblématiques, sont des tableaux du peintre éponyme du musée, François-Xavier Fabre.

Nous espérions que Montpellier se porterait acquéreur de ces toiles, et nous n'avons pas été déçu. Il s'agit de deux ouvres religieuses, l'une représentant saint Sébastien, et l'autre le Christ rédempteur. N'ayons pas peur des mots : il s'agit de chefs-d'œuvre qui appartenaient à Laure Pellicer, spécialiste de l'artiste et co-commissaire de la rétrospective de 2008 au Musée Fabre avec Michel Hilaire (voir l'article) où ces deux toiles avaient été présentées. Il s'agissait d'une vente après décès, par ses héritiers.

La tête de Christ (ill. 1), acquise pour 33 000 € (hors frais), ne correspond exactement à aucune œuvre connue de Fabre, mais a pu être mise en relation avec une série de scènes de la vie du Christ dont on connaît plusieurs dessins préparatoires au Musée Fabre et aux Offices (1]. Ces œuvres furent conçues en Italie où Fabre s'était installé après le séjour à l'Académie de France qu'il avait effectué comme lauréat du prix de Rome en 1787. Le tableau fut peint en 1800, date à laquelle l'artiste se trouvait à Florence où il avait dû fuir après les émeutes anti-française de Rome en 1797.
La figure est d'inspiration très poussinesque comme toutes les œuvres liées à ce cycle de la vie du Christ, tandis que le halo lumineux, qui diffère de l'auréole plus habituelle, est peint à l'or selon une technique sans doute inspirée d'un tableau de sa collection, aujourd'hui au Musée Fabre, alors donné à Carlo Dolci. Et si la gamme colorée fait elle même penser à la peinture florentine du Seicento, le côté sculptural et monumental de l'œuvre ancre déjà cette figure dans l'art du XIXe siècle. Datant de la dernière année du XVIlle, cette œuvre religieuse - un thème qui n'était pas encore revenu à la mode en France - contient déjà en germe tout ce qui fera le « renouveau de la peinture religieuse » au XIXe, selon le titre du livre de Bruno Foucart.

Le petit Saint Sébastien [2] (ill. 2), peint une dizaine d'année plus tôt, vers 1790, est atypique dans l'art de Fabre. Il témoigne des recherches d'un artiste encore jeune, mais aussi de la complexité de l'art français à cette époque qui mêle le canon néoclassique des figures avec un sentiment romantique visible dans les compositions ou, comme ici, dans le beau paysage bleuté, sans doute orageux.
En 1789, l'artiste avait déjà peint un Saint Sébastien (ill. 3) pour son deuxième envoi de Rome, une grande académie encore pleinement néoclassique.
Ce tableau étant déjà conservé à Montpellier, la réunion des deux toiles permettra une confrontation particulièrement instructive sur l'évolution de la peinture à la fin du XVIlle siècle.

On ne connaît pas l'historique ancien du Saint Sébastien, tandis que le Christ avait fait partie de la collection de la comtesse d'Albany, protectrice de Fabre, qui l'avait légué à Madame de Mérode. Ces deux tableaux viennent encore renforcer la collection de référence de cet artiste qui conservait déjà 94 peintures de sa main. Ils seront présentés, pour le bicentenaire en 2025 de sa première donation, dans un accrochage que le musée consacrera à l'artiste et premier directeur du musée, « en cherchant notamment à montrer la porosité stylistique entre sa collection de peinture ancienne et son œuvre personnelle».

Didier Rykner

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