Farran | Commissaires Priseurs

ACTUALITÉS

Plein phare sur Vu Cao Dam près de Montpellier

Mercredi 07 Juin 2023

Pour la deuxième édition de leur vente annuelle « Phares », les commissaires-priseurs Julie Le Brun et Jacques Farran inviteront le 11 juin les enchérisseurs à un voyage immobile, du Kiasma de Castelnau-le-Lez à l’Orient et ailleurs… Avec en guise de pièces phares, deux chefs-œuvres réalisés avant-guerre par le peintre et sculpteur vietnamien Vu Cao Dam provenant de la collection de l’ancien gouverneur de l’Indochine, Albert Sarraut.


« Nous avons eu à cœur de réunir ici que ce que nous avons vu cette année de plus beau, de plus rare, de plus parlant. » Depuis deux ans, Julie Le Brun et Jacques Farran, un duo de jeunes commissaires-priseurs montpelliérains, composent, à l’approche de l’été, un musée imaginaire, comptant un florilège d’œuvres d’art triées sur le volet. L’an dernier, la vente inaugurale invitait ainsi à parcourir les siècles, d’une pièce de monnaie antique à un ensemble de céramiques de Mithé Espelt, en passant par une étude du baron Gros pour la coupole du Panthéon. Une vente qui, imaginée telle une promenade à travers les âges, explore pour sa deuxième édition de nouveaux rivages… « Phares », le nom de baptême de cette vacation est des plus évocateurs cette année. Prenons de la hauteur, et suivons nos commissaires-priseurs le temps d’un voyage immobile, entre Orient, Occident… et ailleurs.

Deux chefs-d’œuvre du maître vietnamien Vu Cao Dam


« Là, tout n’est qu’ordre et beauté. Luxe, calme et volupté »… Avec Charles Baudelaire, débutons cette « Invitation au Voyage » avec un chef-d’œuvre de Vu Cao Dam (1908-2000), dévoilant l’une de ces silhouettes délicates dont le maître vietnamien a le secret : un Nu assis peint en 1938 à l’encre et à la gouache sur soie. Voyage immobile, annoncions-nous ; Vu Cao Dam est doué de ce souffle créateur propre à suspendre le temps. En une palette nuancée, le pinceau dessine des courbes épurées, volontiers matissiennes, avant de s’attarder sur les détails d’une chevelure noire, guidé par la main du calligraphe. Avec cette œuvre, Vu Cao Dam se place en digne héritier de l’art traditionnel asiatique, qu’il réinterprète à l’aune de la modernité. Issu d’une famille catholique d’Hanoï, Vu Cao Dam grandit auprès d’un père instruit et francophone qui l’encourage à intégrer en 1926 l’Ecole des beaux-arts d’Hanoï où, spécialisé en sculpture, il sort diplômé le 20 juin 1931. « Vu Cao Dam est, avec Mai Thu et Le Pho, le plus brillant élève de Victor Tardieu, cofondateur de l’Ecole des beaux-arts. Tardieu permet à de jeunes artistes d’obtenir une formation académique occidentale, ouvrant la voie de la modernité vietnamienne », détaillent les commissaires-priseurs.


Vu Cao Dam (1908-2000). Nu assis. Encre et gouache sur soie, datée 1938, signée deux fois, en caractères latins et vietnamiens et portant deux cachets à droite, contrecollée sur un cartonnage portant des traces de pinceau de l’artiste Haut. : 59 – Larg. : 46 cm environ (petites griffures) Support cartonné : Haut. : 64,5 – Larg. : 50 cm. Estimation : 60 000 – 100 000 euros.

La collection d’Albert Sarraut, gouverneur de l’Indochine française


A ce syncrétisme, entre Orient et Occident, une seconde œuvre présente au catalogue se fait l’écho : un portrait de jeune femme en terre cuite de 1939. « Ce buste, parsemé des empreintes digitales de l’artiste qui l’a modelé, nous révèle la capacité des grands artistes à se réinventer, estiment les commissaires-priseurs. Privé de bronze à cause de la guerre, Vu Cao Dam explore l’argile et développe une patine à base de peinture à l’œuf, lait (caséine) et cire. Privé de tout, sauf de l’amour de sa femme, son œuvre n’a jamais été aussi grande. » Avec le Nu assis, cette sculpture provient de l’ancienne collection du gouverneur de l’Indochine française, Albert Sarraut (1911-1914 ; 1917-1919) – un gouverneur et ministre des colonies qui inspira à l’artiste l’une de ses œuvres sculptées fameuses, un buste en bronze de 1935. « Nos deux œuvres, demeurées depuis leur création dans la collection personnelle de la famille Sarraut, témoignent du lien qui unissait le parangon de l’art vietnamien et l’ancien gouverneur de l’Indochine », notent les commissaires-priseurs. Preuve, s’il en fallait, de leur qualité muséale, ces deux œuvres ont été présélectionnées pour être présentées, avec l’accord de leur futur adjudicataire, dans l’exposition à venir du Musée Cernuschi consacrée aux peintres vietnamiens Mai Thu, Vu Cao Dam et Le Pho. Réunir ce qu’il ont vu « de plus beau, de plus rare, de plus parlant » ; le pari semble réussi pour le duo de commissaires-priseurs qui poursuivra son itinéraire en Polynésie, avec Octave Morillot, et en Inde, avec Albert Besnard, avant d’entreprendre un voyage intérieur avec le Paradis de Dante revisité par Salvador Dali et un journal philosophique croqué par Giacometti.

Enchérir | Suivez la vente Phares de la maison Farran le 11 juin en direct sur interencheres.com


Vu Cao Dam (1908-2000). Portrait de jeune femme. Terre cuite, signée et datée 1939. Haut. : 36 cm (infime usure de la patine). Socle en bois d’origine réalisé par l’artiste. Haut. : 10 – Long. : 15 – Larg. : 15 cm (la tête fixée par une matière blanche à la tige métallique du support). Estimation : 30 000 – 50 000 euros.

Par Diane Zorzi